top of page

Rencontre avec Stéphanie Lambert-Mesguich, victime de harcèlement scolaire



Stéphanie Lambert-Mesguich a été victime de harcèlement durant toute sa scolarité. Elle nous raconte son histoire et comment elle est devenue marraine du dispositif Marilou & Compagnie Stop au harcèlement porté par l'association INSIDE OUT.

.

Qui es-tu ?


SLM : Bonjour, je suis Stéphanie Lambert-Mesguich, j'ai 49 ans et je suis maman de 2 grands garçons. D'origine auvergnate, j'ai vécu dans plusieurs régions de France et je vis actuellement à Bordeaux. Ancienne entrepreneuse, je travaille maintenant dans le domaine de la formation auprès d'étudiants, en tant que responsable pédagogique et formatrice en marketing. En plus de cette activité professionnelle, je suis aussi auteure. Mon premier roman "Je leur dirai que j'ai rêvé", aborde le sujet du harcèlement scolaire à travers une fiction, sous un angle optimiste. Le livre suit le parcours d'une jeune fille, Julie, de ses difficiles années en primaire et au collège, jusqu'à sa vie d'adulte.


Peux-tu nous raconter ton expérience personnelle avec le harcèlement ? Quel était ton quotidien ?


SLM : J'ai été embêtée à l'école dès la primaire et les problèmes ont perduré jusqu'au collège. Cela a commencé avec des moqueries, des brimades sur mon nom (Mesguich), souvent écorché, déformé. Je me souviens redouter l'appel en début de cours, je devinais les rires moqueurs derrière mon dos lorsque le professeur annonçait mon nom. De nature timide et réservée, je pense que les élèves qui se moquaient de moi ont senti ma vulnérabilité et les choses se sont dégradées au fil du temps : moqueries sur mon physique (j'étais très grande et maigre, et peu à l'aise dans les activités sportives), bousculades. J'ai notamment de mauvais souvenirs des séances de sport, en particulier durant les sports d'équipe où le ballon m'était lancé violemment, pour viser mes lunettes ou juste me faire mal. J'avais une appréhension terrible avant les cours de sport, sauf peut-être en athlétisme où mes performances ne dépendaient plus des autres. Au collège, j'ai subi un harcèlement croissant, avec des moments difficiles où je me trouvais souvent exclue des groupes. Les choses ont commencé à s'arranger pour moi en classe de troisième.


Quelles leçons as-tu tiré de cette expérience difficile ? Comment cela a-t-il influencé ta perspective sur la résilience et la force intérieure ?


SLM : J'ai gardé tout cela enfoui pendant de longues années. A l'époque, on ne parlait pas de harcèlement scolaire. J'étais intimement persuadée de deux choses :

- que j'étais "différente" et que même si cela peut aujourd'hui paraître surréaliste, il était finalement normal qu'on me chahute, car j'étais mauvaise en sport, physiquement peu à l'aise, bonne élève et donc une cible potentielle.

- que la roue finirait par tourner. Je ne peux expliquer pourquoi, mais je me suis toujours raccrochée à cette idée, probablement motivée par ma nature optimiste et rêveuse (j'écrivais déjà des histoires, des sujets que je souhaitais développer).


Lorsque le terme "harcèlement scolaire" a commencé à être employé (il n'y a pas si longtemps en France...), j'ai compris que beaucoup avaient subi ce que j'avais enduré moi aussi, en pensant être seule face à tous. J'ai réalisé que j'avais été victime d'un fléau qui était enfin reconnu, et que je n'étais coupable de rien, qu'en aucune façon je n'avais mérité de tels traitements. Cela m'a fait énormément de bien et m'a donné l'envie d'écrire mes souvenirs sur ces années difficiles. A cette époque je n'avais aucunement l'intention de m'en servir pour construire une histoire qui ferait ensuite l'objet d'un livre. Je pense que ces épreuves m'ont permis de développer une certaine empathie, une résilience aussi, et aussi une certaine révolte que j'essaie de convertir en action positive : toute forme de discrimination est à mes yeux insupportable, intolérable, chaque individu est par nature différent et cette idée de différence, d'où qu'elle vienne, ne peut en aucun cas servir de prétexte à quelque mise à l'écart que ce soit. C'est probablement ce qui m'a conduit à la publication de ce premier livre, puis à l'idée du spectacle monté avec Inside Out.


Peux-tu nous parler du projet Marilou & Compagnie Stop au harcèlement en tant que marraine ? Comment est-il né ?


SLM : Mon livre "Je leur dirai que j'ai rêvé" venait de sortir. J'avais dans l'idée d'en faire un scénario de court-métrage, concentré sur le chapitre qui traite du harcèlement scolaire. Le scénario est écrit, pas encore tourné. Puis j'ai eu l'intention d'en faire une pièce de théâtre, qui serait jouée auprès des enfants et adolescents, pour sensibiliser au sujet et éveiller les consciences. Ma coach littéraire, Emmanuelle Jappert, m'a alors mise en relation avec Lucie Pascutto et la connexion fut immédiate. Autour d'un café, j'ai exposé à Lucie mes motivations, mes idées, et elle a eu l'idée qui a permis de donner naissance à ce projet : créer un spectacle avec des clowns d'intervention sociale. Séduite par le projet, nous l'avons travaillé ensemble et j'ai apporté ma contribution dans sa construction en amenant des récits de vie et des extraits de mes carnets de correspondance de l'époque. La rencontre avec Lucie a eu lieu début 2022, la première représentation a été réalisée au Théâtre de l'Inox à Bordeaux le 31 mars suivant, puis le projet a poursuivi son chemin avec à chaque fois un public captivé et conquis !


As-tu un message à faire passer ?


SLM : Je pense que la route est encore longue. L'actualité nous le montre malheureusement beaucoup trop souvent. Je suis fière et heureuse aujourd'hui de pouvoir apporter ma pierre à l'édifice en contribuant à mon échelle, via mes écrits et via le spectacle Marilou & Compagnie Stop au harcèlement. Néanmoins je pense que beaucoup de choses restent à faire, et ce à chaque étape : prévention (sensibilisation auprès de tous les acteurs, formation des personnels, mise en place de process pour identifier le problème dès sa naissance...), action (prise en compte des remontées, des plaintes, mise en place de solutions efficaces comme celle proposée par Jean-Pierre Bellon appelée "méthode de la préoccupation partagée". Je reste aussi intimement persuadée que l'école, telle qu'elle est aujourd'hui en France, pourrait être "repensée" sur de nombreux aspects, dans le but de révéler des domaines de compétences, voire d'excellence, chez les élèves, et ainsi contribuer à l'estime de soi qui me semble être une des clés du problème : développement et valorisation d'activités culturelles, artistiques, sportives, manuelles et mise en place d'actions concrètes pour favoriser auprès de tous les activités extrascolaires. Je crois beaucoup à l'impact positif que peut engendrer le fait de changer de groupe et d'avoir la possibilité de révéler ses talents en dehors d'un cadre strictement académique. Me concernant, c'est ce qui m'a permis de relever la tête et de m'en sortir.


---


Pour en savoir plus :






32 vues
bottom of page